Brexit : en 2020, enfin la fin ? (Rubrique Journal du Campus)

Rédigé le 22/01/2020


« Get Brexit done » : ces mots sont ceux, évidemment, de Boris Jonhson, le premier ministre britannique. Il s’agissait même de son slogan de campagne lors des élections législatives de décembre dernier. Et, pour la première fois depuis le jour du référendum, en 2016, le Brexit semble effectivement être en mesure de se réaliser…

Elections, votes, et parlement
Le 12 décembre dernier, des élections législatives avaient été déclenchées de manière anticipée par Boris Johnson, du fait de son incapacité et de celle de Theresa May, de faire voter l’accord du Brexit. Celles-ci ont été largement remportées par les conservateurs (Tories), aidés indirectement par le Brexit Party de Nigel Farage, arrivé en tête aux élections européennes mais n’ayant pas présenté de candidats aux circonscriptions favorables aux conservateurs. Mais ce n’est pas le seul élément à retenir de ces élections anticipées, aussi marquées par la débâcle du second parti historique britannique. Les travaillistes (Labour), restent deuxième force politique, mais ont perdu soixante sièges. Cette déroute est principalement liée à la perte des circonscriptions pauvres du nord de l’Angleterre, pro-Brexit. Enfin, le parti indépendantiste est arrivé en tête en Ecosse, ce qui laisse planer un doute sur la volonté des écossais, en grande majorité europhiles, de quitter l’UE. C’est donc le Brexit qui a dominé les élections législatives au Royaume-Uni ; et cela n’est pas étonnant, s’agissant pour beaucoup d’une des pires crises politiques de l’histoire du pays.
Boris Johnson, réélu Premier ministre, s’est dépêché de soumettre à nouveau au vote l’accord négocié avec l’Union Européenne. Jeudi 9 janvier, à 17h30, l’accord a été approuvé par les députés, après d’âpres débats mais avec une confortable majorité, à 330 voix contre 231.
Puis, la chambre des Lords devait se prononcer ; le 21 janvier, la chambre haute du Parlement britannique a inclus quelques amendements à l’accord, concernant notamment les droits des Européens après le Brexit, mais également concernant le regroupement familial pour les enfants réfugiés. Le texte devra donc retourner… à la chambre des communes, où il sera probablement voté dans les termes originaux.

Enfin, si tout se passe comme prévu, ce sera au parlement européen de se prononcer, pour une ratification prévue pour le 29 janvier, deux jours avant la date effective du Brexit, le 31 janvier. Mais, mille trois cent dix-huit jours après le vote des électeurs britanniques, tout est loin d’être terminé…

Paix, prospérité et amitié
Tout d’abord, outre-Manche, tout a été fait pour que le le 31 janvier 2020 soit un jour historique. Le Premier ministre britannique souhaitait faire sonner Big Ben, actuellement en rénovation ; mais face au prix faramineux de l’opération (500.000 livres sterling), d’autres évènements seront organisés : Boris Johnson prononcera un discours, puis un compte à rebours sera affiché et un spectacle lumineux aura lieu au 10, Downing Street. Une série de pièce de monnaie commémorative sera mise en circulation, portant l’inscription « Paix, prospérité et amitié avec toutes les nations ».

Période de transition
Puis, à minuit, les choses sérieuses commenceront : une période de transition, durant laquelle les britanniques et les européens auront la lourde tâche de… négocier un nouvel accord. Cela signifie qu’en théorie, tout ne se fera pas du jour au lendemain ; même si le matin du 1er février, le Royaume-Uni sera juridiquement et surtout symboliquement, sorti de l’Union Européenne, et n’aura à ce titre ni député européen, ni pouvoir de décision dans aucune des institutions de l’Union. En revanche, les relations avec les membres de l’UE resteront les mêmes, jusqu’à la fin de la période de transition.
Les changements auront d’abord lieu au parlement européen : en effet, les soixante-treize députés britanniques élus en mai 2019 laisseront leur siège vacant. Mais ces sièges ne resteront pas tous vides : vingt-sept seront réattribués, selon l’évolution démographique des pays : la France et l’Espagne gagneront par exemple cinq sièges, l’Italie et les Pays-Bas trois, la Pologne seulement un… Ces députés ont déjà été élus, en mai dernier ; mais ils ne siègeront qu’à partir de février. Ces sièges réattribués auront une conséquence sur les forces politiques au parlement européen ; globalement, la droite (PPE) et l’extrême droite (ID) gagneront des députés, tandis que les sociaux-démocrates (S&D), les libéraux (Renew), et les écologistes (Verts/Ale) en perdront.
Quant aux quarante-six sièges restants, ils resteront vacants, dans l’hypothèse d’un agrandissement de l’Union Européenne.

De nouveaux accords
Entre février et décembre, le Royaume-Uni devra ainsi négocier un accord avec l’Union Européenne, mais un report de la fin de la période de transition sera toujours possible jusqu’au 1er juillet ; passée cette date, le Brexit aura vraiment lieu et le Royaume-Uni sortira définitivement de l’UE le 31 décembre.
L'enjeu est de taille, car la moitié de ses échanges se font avec les pays membres de l’UE. L’accord sera donc essentiel pour poser les règles des futures relations entre l’Europe des 27 et le Royaume-Uni. Cet accord ne concernera pas que le commerce : les questions sécuritaires et migratoires devront être abordés, tout comme le détricotage en règle des six cents accords passés durant leur quarante-sept ans de vie commune…
Mais ce n’est pas tout : d’autres traités devront être négociés durant cette même période. La plupart des accords commerciaux que le Royaume-Uni a passés avec les pays africains, par exemple, ont été négociés par l’intermédiaire de l’UE ; ils ne seront donc plus valables après le Brexit. C’est pour cela qu’un sommet économique a été organisé le 20 janvier à Londres avec les dirigeants d’une vingtaine de pays d’Afrique, dans le but de commencer à discuter des éléments de futurs accords commerciaux. D’autres accords avec de nombreux pays seront donc à négocier ; et notamment un traité de libre-échange entre les Etats-Unis et le Royaume-Uni ; selon Donald Trump, cet accord « a le potentiel pour être beaucoup plus important et plus lucratif que n’importe quel accord qui pourrait être conclu avec l’UE ». Et cela, avant d’ajouter, sur Twitter, un « Bravo Boris », pour sa victoire aux législatives…
Bref, en 2020, le Brexit, même enclenché, est loin d’être terminé…
 

Owen Le Dily de  Seconde 14