Google… et les autres (Rubrique Journal du Campus)

Rédigé le 05/11/2020
Owen Le DILY de P01


Par Owen LE DILY de Première 01

Lycéens, professeurs, étudiants, vous en avez tous fait l’expérience : faire une recherche sur le Web à partir d’un ordinateur du lycée. Voilà donc que l’on vous propose trois moteurs de recherche : Google, Qwant, et Ecosia. Une question se pose : lequel choisir ?

Google, un moteur inévitable

Beaucoup d’entre nous cliquons sans réfléchir sur le logo multicolore de Google. Google, et ses 93% de part de marché ; Google, dont le « G » bleu, jaune, vert et rouge est la première lettre des terribles GAFAM…
Mais alors, pourquoi utilisons-nous majoritairement Google ? La réponse n’est pas si simple. Serait-ce par mimétisme ? Tout le monde utilise Google ; c’est le moteur de recherche par défaut dans presque tous les navigateurs ! Mais la réponse n’est peut-être pas là : ce pourrait être tout simplement car Google est objectivement le meilleur moteur de recherche existant…
Improbable ? Pas si sûr ! Si l’on essaie des recherches parmi les plus courantes, la différence est nette : pour le mot « boulangerie », par exemple, Qwant comme Ecosia placeront en premiers résultats des annonces, des publicités pour des marques précises. Sur Google, au contraire, une carte s’affichera, montrant les boulangeries les plus proches de vous.

De même, si, curieux de connaître l’âge de l’ancien président des Etats-Unis, vous recherchez les mots clés « âge Obama », Google vous donnera directement la réponse – 59 ans – avec de surcroît sa date de naissance – le 4 août 1961. Ecosia, tout comme Qwant, vous orienteront quant à eux vers la page Wikipédia de l’homme politique américain. A vous alors de chercher l’information qui vous intéresse.
Alors, ce qui est préféré chez Google, c’est d’abord sa praticité. Ses services sont utilisés au quotidien et nous facilitent la vie : Google Maps pour se repérer ; la recherche d’images inversée pour vérifier ses sources ; YouTube ; Gmail… Depuis quelques semaines, Google propose même un nouveau service – Hum to Search – permettant d’identifier des mélodies fredonnées, sans paroles ni nom d’artiste. A cela, il faut ajouter la recherche que Google mène, fort de ses presque mille milliards de dollars de capitalisation boursière, et qui pourrait amener à de véritables révolutions dans le futur : la voiture autonome, la domotique, les objets connectés… Fin 2019, Google a même affirmé avoir atteint la suprématie quantique, c’est-à-dire, en quelque sorte, la démonstration de la supériorité de l’ordinateur quantique développé par Google face aux technologies traditionnelles. Si l’annonce a aussitôt été relativisée par ses concurrents, c’est tout de même la preuve de la puissance de Google.

Mais à quel prix ? Car si ses recherches – pour revenir au thème de cet article – sont les plus pertinentes, c’est d’abord car Google recueille nos données personnelles. Depuis 2005, Google utilise l’historique de recherches de chacun de ses utilisateurs pour filtrer ses résultats. Nos données sont systématiquement recueillies, analysées, croisées, et stockées par Google. Et ce n’est pas tout ! Optimisation fiscale, soupçons de fraude, abus de position dominante, manque de transparence, non-respect des droits d’auteur… Google a été à plusieurs reprises poursuivi en justice et condamné, notamment par la Commission européenne (en 2017, 2018 et 2019), mais aussi par la justice française (en 2009, 2010 et 2019, notamment), et américaine (à de nombreuses reprises depuis 2008).
Cela pourrait donner envie de tester d’autres moteurs de recherche…

Ecosia, un moteur « écolo »

Quatrième moteur de recherche en France, utilisé par 7% des internautes, Ecosia est alors sûrement celui qui vous vient à l’esprit. Cette entreprise allemande se veut écologique et caritative, et reverse la majeure partie de ses bénéfices à un programme de reforestation. Selon son fondateur, Christian Kroll, un internaute français génère chaque année trente euros de revenu par ses recherches.
Ecosia utilise ainsi ces revenus et en reverse 80% à des associations, pour planter des arbres dans le monde entier. La page d’accueil de ce site est encourageante : avec ses deux millions d’utilisateurs mensuels, Ecosia revendique avoir planté plus de cent onze millions d’arbres à travers le monde fin octobre 2020, dont vingt-deux millions lors de la seule année 2020. Alors, si cette entreprise, à but non-lucratif, permet effectivement de planter des arbres, notamment dans des pays d’Afrique et d’Amérique du Sud, par des partenariats avec plusieurs associations – WWF, ou The Nature Conservancy, par exemple, cela ne veut pas dire qu’elle est effectivement écologique.
D’abord, le modèle sur lequel repose Ecosia est un modèle qui pousse à la consommation : si ce site gagne de l’argent, c’est grâce à la publicité et aux annonces d’autres entreprises. Ecosia n’a pas non plus développé son propre algorithme de recherche, mais utilise celui de Bing – propriété de Microsoft – à qui une partie du revenu est donc reversée. Il faut aussi être conscient du fait qu’un moteur de recherche est une activité intrinsèquement polluante, qui nécessite beaucoup d’énergie, malgré le fait qu’Ecosia dit financer des énergies renouvelables de façon à assurer deux fois ses propres besoins.
Cela dit, il faut bien admettre qu’Ecosia, comme d’autres moteurs moins connus – Lilo, Ecogine – compensent leur consommation d’énergie par des actions environnementales, ce qui ne font pas les autres moteurs de recherches ; ils sont donc relativement plus écologiques, et vous permettent d’agir, rapidement, sinon concrètement.

Qwant, un moteur à part

Ensuite, vous pourriez penser à Qwant : troisième moteur de recherche grâce à son usage par 8% des internautes français, il n’a rien à voir avec les autres moteurs de recherches. Le fait qu’il soit français est déjà une singularité dans le monde du numérique. Mais comme Ecosia, Qwant utilise – au moins partiellement – les contenus de Bing. Comme Google, Qwant propose d’autres services que le moteur de recherche : Qwant Maps, Qwant Music, ou Qwant Junior, par exemple.
Ce qui fait donc la spécificité de Qwant, c’est qu’il ne recueille aucune information sur nous. Alors, pas de cookies, pas d’historique, pas non plus de résultats personnalisés ni de publicité ciblée – mais de la publicité quand même. On peut y voir des avantages évidents : pas de surveillance massive ni de collecte des données ; en revanche, les résultats peuvent être moins précis ou moins adaptés.
Et c’est cette confidentialité des données qui rend ce moteur de recherche si populaire : il a été adopté par défaut par plusieurs entreprises pour leurs employés, ainsi que par de nombreuses institutions, comme le Ministère des Armées, de multiples collectivités territoriales – la moitié des treize conseils régionaux – ou encore le CNES. L’entreprise chinoise Huawei, qui a interdiction d’utiliser des technologies américaines sur ses smartphones pour des soupçons d’espionnage, a aussi choisi de proposer Qwant comme moteur de recherche par défaut sur son navigateur.
Face aux GAFAM, Qwant est donc l’occasion de favoriser une entreprise française, et surtout l’assurance de ne pas voir ses données stockées et analysées à l’autre bout de la planète !

Mais alors, lequel choisir ?

Entre Google, plébiscité par la majorité des internautes, Ecosia pour les plus « écolos » ou Qwant pour ceux pour qui la confidentialité n’a pas de prix, le choix dépend de vous. Mais ce geste d’apparence anodin, celui de cliquer sur un moteur de recherche, ne l’est pas tant que l’on pourrait le penser.
Après tout, ce simple geste est à l’image de nombreuses autres actions, qui vont de la lutte contre le Covid-19 à celle contre le dérèglement climatique : un geste qui, isolé, ne signifie rien. Des compromis qui, seuls, n’ont aucune incidence. Mais une action qui, à l’échelle d’un pays, d’un continent, du monde entier, peut réellement changer les choses. Pour vous, comme pour tous les autres.

A vous, donc, de choisir.