Par Jade Cunot, élève en P03.
Les règles constituent un phénomène biologique naturel chez la femme et se renouvellent chaque mois. Pourtant, derrière un simple écoulement de sang se cache une longue histoire de tabous et de mythes qu’il est urgent de déconstruire.
Aujourd’hui encore, les règles soulèvent des inégalités importantes dans le monde et sont un levier dans l’amélioration de la condition de vie des femmes.
Cette semaine, un article sera publié chaque jour sur ce sujet, traité sous différents angles. Cette série d’articles est dédiée aux femmes mais aussi aux hommes car les règles, et les problèmes qu’elles soulèvent, concernent une société entière.
Solidarité féminine au lycée (1/5).
Cette période qui se renouvelle chaque mois est source de stress, d’angoisse à l'idée de se retrouver sans protection hygiénique, d’avoir une « tâche ». Elle est un moment de fatigue, de sensibilité et de remise en question.
Au-delà d'un simple écoulement « du sang qui coule », ce sont tout plein d’hormones qui agissent sur nous. Ce peut être une période de douleurs, également. Des douleurs dans le bas du dos, au ventre, etc.
Poppy a eu l’idée d’une banque de serviettes, autorégulée, à laquelle chacun peut contribuer. Ce mouvement de solidarité féminine, au lycée, me rend fière. Il consiste en une boîte accrochée au mur dans les toilettes dans laquelle on peut déposer des serviettes hygiéniques, tampons, etc.
Ce projet est basé sur la solidarité comme le dit l’affiche placardée au-dessus. Il est simplement pratique de prime abord mais, en réalité, il révèle la chance énorme que nous avons d’avoir un accès aux protections hygiéniques aujourd’hui de manière simple et abondante, car ce qui peut sembler acquis pour nous, est loin de l’être pour d’autres femmes. D’autre part, ce projet banalise les règles et leur offre une visibilité.
Curieuse d’en savoir plus sur ce projet que je trouvais efficace et remarquable, j’ai questionné Poppy Desportes, sa créatrice. Avec aisance et grande sympathie, nous nous sommes assises en tailleur pour parler règles, solidarité et féminisme.
D’où t’est venue l’idée de ce projet, comment tout ça a débuté ?
« J’étais avec une amie quand une fille qu’on connaissait est venue nous demander discrètement un tampon. Elle était toute gênée ! C’est là que je me suis dit qu’il y avait un problème, qu’on devait faire quelque chose. Le lycée, c’est la base de la société de demain. C’est donc maintenant que nous devons agir pour changer les mentalités et avoir un impact sur la société. »
Comment as-tu procédé pour mettre en place le projet ? As-tu reçu de l’aide ?
« Au début, on était une trentaine. Le but était de créer un mouvement important de solidarité pour avoir un réel poids. J’ai donc commencé à en parler autour de moi, à des filles, des garçons, s’ils étaient intéressés par le projet. On échangeait nos comptes Instagram et je les ajoutais dans le groupe. Comme ça, on pouvait partager nos idées autour du projet. Le but, c’était de faire une boîte qui s’autorégule. Tu déposes ou tu prends. C’est comme Les Restos du Cœur mais avec des serviettes.
On voulait également faire une conférence en début d’année pour informer et aider vis-à-vis des différentes marques de protections hygiéniques. Celles à bannir, celles qui sont ok, en fonction de leur composition. On pensait également à aborder des thématiques comme la cup ou la culotte menstruelle. Malheureusement, pour des raisons sanitaires, ça ne s’est pas fait.
Pendant le confinement, j’ai contacté Sébastien [N.d.l.r. : Sébastien Loyer, ancien animateur du campus] et il m’a conseillé de mettre en place le projet plutôt cette année, à cause de la Covid. »
Comment décrirais-tu ce projet ?
« De solidarité féminine, pour s’épauler entre nous. Pour informer aussi et, bien sûr, pour abolir les tabous. Les règles ne doivent plus être un frein. »
Es-tu engagée au quotidien pour la lutte féminine ? As-tu d’autres projets, d'autres ambitions dans ce même élan ou des améliorations pour celui-ci ?
« Je ne me considère pas comme féministe car ce mot, selon moi, a pris un sens extrémiste dans lequel je ne me reconnais pas. À l’origine, être féministe, c’est simplement être pour l’égalité hommes-femmes. Mais non, pour l’instant, je me concentre sur mes études et c’est déjà assez prenant !
Je n’agis plus pour la boîte, elle se gère toute seule. Je sais que le projet va s’essouffler un peu mais c’est normal. Il faudra alors refaire une campagne de pub. »
Les règles et ce grand tabou qui tourne autour, ça m’a donné envie de rechercher l’origine de ce mauvais regard que l’on porte sur elles. J’avais envie de comprendre le lien entre règles et féminités, entre les menstruations et les femmes. Chacune influençant l’autre, d’une manière. Chacune faisant souffrir l’autre, à sa façon. Relation complexe alimentée par une société longtemps intolérante sur le sujet.
Cette série d’articles découlera de cette réflexion : que vous soyez un homme ou une femme, les règles sont un enjeu sociétal pour lequel chacun doit jouer un rôle.