[Le journal du campus] Des lycéens de Saint-Paul diplomates le temps d’une journée

Rédigé le 07/06/2021
Par Owen Le Dily, élève en P01


Photo : L’amphithéâtre avant l’ouverture des débats (crédit photo : EDD Académie de Rennes/Twitter).

C’est une journée extraordinaire qu’ont vécue quatorze lycéens de Saint-Paul, mercredi 2 juin, au lycée Victor et Hélène Basch de Rennes : engagés dans l’atelier MFNUM  (cf. notre article de présentation), ils ont joué pendant huit heures le rôle de négociateurs onusiens.

Les débats réunissaient les représentants de quatorze pays, de la Suède au Costa Rica en passant par la Grèce ou encore le Nigéria, et portaient sur le troisième Objectif de développement durable (ODD), à propos de la santé et du bien-être de tous à tout âge. Les lycéens de Saint-Paul étaient répartis en trois délégations : la Chine, le Mali et l’Indonésie.



RÉCIT

Un véritable rôle à jouer

9 h. La journée débute par le discours de M. Emmanuel Ethis, le recteur de la Région académique Bretagne. Résolument optimiste, il déclare : « Partout dans le monde, les jeunes font bouger les choses ; et ils ont raison. […] Après les paroles, il faut les actes. Le temps est venu d’agir. […] C’est notre responsabilité, individuelle et collective. »

Sa conclusion, enfin, ne laisse guère de doutes : « Vous représentez un immense espoir. Ce sont des peuples, des milliards d’êtres humains qui portent leur regard sur nous, sur vous. » Désormais, il n’y a plus de lycéens dans l’amphithéâtre ; ils sont devenus des négociateurs, en charge de mettre au vote, d’ici la fin de la journée, une résolution – une décision prise par une assemblée et qui n'a pas valeur de loi – qu’ils auraient écrite.

Le secrétaire général de la séance prononce ensuite son discours. Lui aussi, en égrenant de nombreux chiffres frappants et rappelant l’ampleur du défi que constitue l’accès à la santé à l’échelle mondiale, fait prendre conscience aux délégations que leur rôle est crucial.
Surtout, il évoque l’interdépendance flagrante de l’ensemble des États en matière de santé – comme a pu le révéler l’extrême rapidité de la diffusion de la pandémie de Covid-19 – pour mieux insister sur la nécessité de travailler ensemble et trouver un point d’entente.



Des positions à affirmer

Aussitôt la séance ouverte – par un coup de marteau du président – les délégations se succèdent à la tribune. Un ambassadeur présente la position de son État et énonce sa priorité : établir une société inclusive avec les personnes en situation de handicap, soutenir les pays émergents, lutter contre l’obésité, offrir des soins gratuits pour tous, sensibiliser les plus jeunes, …

C’est peut-être là le moment le plus important car, ensuite, les délégations sont réparties en trois groupes, pour les négociations. Elles savent déjà quels seront les points d’accord et de désaccord entre leurs positions. En moins d’une heure, elles doivent établir au moins trois propositions communes, élaborant ainsi l’ébauche de trois premières résolutions.

De retour à l’amphithéâtre, les trois projets sont présentés à l’ensemble des délégations. Puis, après la pause déjeuner, les pays sont encore répartis en deux groupes, pour de nouvelles négociations.



Photo : La représentante de la Chine, à la tribune (crédit photo : EDD Académie de Rennes/Twitter).

Un projet commun

Parfois houleux, parfois confus mais toujours enrichissants, les débats permettent de rédiger deux résolutions, présentées une nouvelle fois à l’assemblée et censées représenter – malgré le manque de temps et quelques soucis de compréhension entre certains groupes – deux positions communes.

Dès lors réunies toutes ensemble, les délégations ont pour mission de proposer un unique projet de résolution qui pourrait être adopté par toute l’assemblée. Malheureusement, le temps passe trop vite et c’est un seul projet, la création de « Casques verts » pour aider au développement durable – sur la bse du modèle des « Casques bleus » – qui accapare tous les débats, ne laissant que quelques minutes pour les autres propositions, trop vite éludées.
Pourtant, grâce au travail de toute l’assemblée, un projet commun prend forme avec trois initiatives majeures.

Il y a d’abord, sur proposition initiale du Canada, la création de ces « Casques verts », dont le rôle serait adapté aux besoins de chaque pays – construire des infrastructures de santé, former des personnels, … – et qui seraient financés par tous les États, proportionnellement à leur revenu. Puis, par l’insistance du Portugal, est décidée la mise en place d’un « inclusion pass » pour aider les personnes les plus vulnérables à s’intégrer dans la société. Enfin, une proposition commune de l’Allemagne, de la Chine, du Brésil et du Mali demande l’établissement d’un fonds de solidarité pour que les États puissent faire face aux crises sanitaires, tout en encourageant les pays développés à se montrer, eux aussi, solidaires avec les pays en développement, notamment en matière de vaccins.



Photo : Ultimes négociations pour la rédaction de la résolution (crédit photo : EDD Académie de Rennes/Twitter)...

Pas loin d'un consensus

L’accord trouvé, il ne reste plus qu’à adopter la résolution. Si aucune opposition ne se fait entendre, elle le serait par consensus… Mais la Chine, mécontente du projet final, se manifeste.

Visiblement désemparé – l’espace d’un instant seulement, le président de la séance formalise malgré tout l’adoption de la résolution. C’est alors que les applaudissements résonnent dans l’amphithéâtre du lycée Victor et Hélène Basch.

Le discours de clôture de M. David Guillerme, responsable du développement durable au sein de l’Académie de Rennes, salue une « résolution ambitieuse et porteuse d’espoir ». « Votre mobilisation est essentielle », ajoute-t-il, « car vous serez les décideurs de demain qui poursuivront la construction d’un monde plus durable ».

La boucle est bouclée. À nouveau, ils reprennent leur rôle habituel : celui, certes, de jeunes, de lycéens, mais aussi de futurs adultes et – qui sait ? – de futurs diplomates pour peut-être, un jour, porter un projet qui sera suivi d’effets…



Le Mali primé pour ses négociations

Une dernière surprise attend les lycéens : la remise des prix. Sans surprise, le Canada, représenté par le lycée Amiral Ronarc’h, à Brest, est récompensé pour le meilleur discours – son ambassadeur s’est fait l’éloquente voix de toute l’assemblée lors de la présentation de la résolution finale. Le Nigéria, du lycée René Cassin, à Montfort-sur-Meu, près de Rennes, plus discret, reçoit le titre de meilleure diplomatie.

Le Mali, quant à lui, représenté par des élèves de Saint-Paul, est primé « meilleur négociateur ». Sa volonté d’impliquer les projets des différentes délégations est saluée et la participation égale de chacun des membres de la délégation aux négociations est aussi remarquée par certains des organisateurs.

Deux dernières délégations sont également citées, sans pour autant recevoir de prix : le Portugal, lui aussi très bon négociateur ainsi que la Chine, qui aura eu le mérite de « rester fidèle à elle-même », poussant le secrétaire général à « adopter sa propre méthode », selon ses mots – comprenez par-là la coercition.



Photo : La délégation du Mali reçoit son titre de meilleur négociateur (crédit photo : EDD Académie de Rennes/Twitter).

Un projet formateur

C’est avec déjà de très bons souvenirs et, surtout, la volonté de participer à nouveau l’année suivante, que les lycéens sont revenus à Vannes. Cette journée leur a été réellement profitable : rarement l’occasion de s’exprimer face à un public, de débattre, de négocier mais également d’argumenter et de convaincre, ne s’est autant présentée à eux. Une formidable expérience qui, peut-être, suscitera l'intérêt de nouveaux élèves l’année prochaine…